Les applications et réseaux sociaux permettent logiquement le dialogue avec un ou une partenaire. Selon les résultats de l’enquête #Génération2020, au cours des deux mois précédant l’enquête, seuls 15 % des jeunes interrogés expriment avoir pris une photo coquine d’eux-mêmes avec l’intention de l’exploiter dans un sexto. Cela ne signifie pas que les jeunes l’ont effectivement envoyée. De toutes les photos à connotation érotique ou sexuelle, 24 % ne sont pas envoyées. 76 % de celles-ci sont finalement envoyées à quelqu’un d’autre. Mais on observe surtout une pudeur des jeunes à s’exprimer sur ce sujet, comme en témoigne le faible taux de participation à la question relative à cette pratique.
Les interfaces numériques pour explorer, voire construire, sa sexualité
Les interfaces numériques représentent, pour ceux ou celles que la réalité corporelle inhibe, une alternative pour tenter progressivement l’aventure des rencontres amoureuses, mais aussi parfois, pour explorer, voire construire, sa sexualité, ce qui ne doit pas manquer d’interpeller aussi bien les normes et les pratiques des adultes, que le point de vue qu’ils∙elles portent sur l’adolescence. Pour la plupart des adolescent∙es, la question de photos coquines reste préoccupante, mais périphérique, eu égard aux potentiels enrichissements affectifs que les interfaces leur procurent par ailleurs. Plus de la moitié des photos coquines prises par les jeunes du secondaire les représentent en sous-vêtements ou maillots de bain (51 %). Il y a ici une différence significative entre les garçons et les filles. Les garçons expriment être plus susceptibles de poser complètement nus que les filles. Une autre différence notable est à noter dans le fait que 57 % des garçons assument être identifiables sur ces photos, pour seulement 21 % des filles. 18 % des jeunes interrogé∙es confirment avoir déjà fait pression sur l’autre pour obtenir une photo coquine.
Analyse
À la découverte de soi
Dans cette enquête, une section spécifique a été consacrée aux pratiques de sexting1. Dans les interfaces interactives, on se confronte aux autres, avec bonheur ou fracas, on y teste sa vie de futur adulte, on y élabore son identité, notamment à coups de selfies, en nombre et fréquence autorégulés. On y mène aussi ses premières découvertes sexuelles. C’est en effet, pour ceux que la réalité corporelle inhibe, une alternative pour tenter progressivement l’aventure des rencontres amoureuses. L’adolescence est une période de tests multiples sur ce terrain-là, aussi.
En matière d’exposition et de diffusion de soi, que les jeunes considèrent souvent comme un aspect périphérique, les jeunes enquêtés définissent ce qui s’inscrit dans une norme acceptable ou relève des écarts proscrits. Peu d’adolescent·es déclarent produire et publier des photos coquines personnelles. Pour celles et ceux qui s’y adonnent, poser nu est envisageable, avec une différence notable entre filles et garçons. De la même manière, plus de garçons que de filles acceptent y être reconnaissables. Ces éléments devraient conduire à explorer davantage la question des normes sociales genrées sur ces questions.
Si certain·es jeunes admettent le principe d’échanges visuels coquins, ils et elles le soumettent à diverses conditions. Un certain nombre d’éléments contextuels ou motivationnels doivent être rencontrés. Ainsi, la mise en scène sexy ou coquine de soi doit se faire dans un cadre privé et non public ou semi-public. Dans un certain nombre de cas, qu’il faudrait évaluer plus finement, c’est à la demande (avec plus ou moins d’insistance) du ou de la partenaire, et non de manière délibérée ou sans discussion préalable, que ce type de document est échangé. Pour les jeunes, cette pratique fait partie des jeux sexuels moralement acceptables, même si peu déclarent s’y livrer.
« Ça dépend un peu de l’expérience de chacun… Depuis qu’il y a les réseaux tout le monde le fait, c’est devenu une habitude … moi j’ai déjà reçu … si la personne elle me plaît, voilà je suis content. Mais si c’est une personne que je ne connais pas, je serais choqué. Après si c’est une personne que t’aimes beaucoup, pourquoi pas. Mais envoyer des choses, moi, de moi, j’ai jamais fait … mais pour moi c’est pas un problème. Y’a pas que les jeunes qui le font ! Y’a des parents aussi qui le font ! Je dirais que c’est un truc naturel, des envies de l’homme et de la femme. »
Le badinage avec des inconnu·es est proscrit. On n’envoie pas n’importe quoi à n’importe qui, et certainement pas à des relations lointaines ou indignes de confiance. En matière d’échanges coquins visuels, on retrouve la construction sociale des normes de masculinité et de féminité : au cours des entretiens, ce sont plus souvent des garçons qui sont réputés produire des images et les solliciter. Quand une jeune fille fait l’expérience de recevoir une dick pic2 non souhaitée, elle le vit davantage comme une blague très lourde, voire choquante, que comme une véritable agression. Cela entraîne, néanmoins, comme sanction immédiate et inconditionnelle, le « blocage » de l’agresseur, même si jusque-là, les sentiments étaient positifs envers le photographe de l’extrême. Si, pour les garçons, cette pratique est de nature « à choquer les filles », les filles trouvent cela « dégueu », déclarant de manière unanime que ça ne se fait pas, même si certaines les partagent entre elles « pour en rire ».
« Moi j’ai jamais reçu de photos obscènes de mecs, peut-être parce que je suis en couple et que je stoppe direct. Mais y a plein de copines qui en reçoivent, et même souvent. Nous, on trouve ça choquant, mais on en discute. Je crois bien que les mecs pensent que ça nous intéresse (rires) mais c’est pas la bonne manière de nous draguer, ou alors ils ont besoin de ça pour se rassurer, mais entre filles, on discute de ça et on bloque direct ».
La délimitation entre ce qui est autorisé ou non reste néanmoins floue. Désigner ce qui est sexy, coquin, sexuel, ou vulgaire est une entreprise hasardeuse, une norme qui s’évalue au cas par cas. C’est le groupe qui semble déterminer ce qui est acceptable ou pas. Dès lors, la prise de risque est difficilement mesurable, en l’absence de critères formels permettant de l’apprécier. À ce titre, l’espace de négociation identitaire sur le corps des femmes reste étroit.
« Moi je trouve qu’il y a beaucoup de filles qui se dénudent, qui mettent de grands décolletés pour qu’on les remarque, et plus t’es dénudée plus t’as de j’aime, c’est trop bizarre. Pour moi une fille dénudée va avoir plein de like des garçons, et si elle est normale, des likes de filles. Un garçon torse nu ça choque pas, mais une fille en bikini, déjà, oui. Pour moi, niveau garçon y a pas de limite. Mais ça, ça a toujours été. Plus une fille est dénudée, plus c’est une pute. Un garçon, il peut faire ce qu’il veut. C’est pareil sur les réseaux sociaux ».
Au cours des entretiens avec les jeunes, l’exhibition des corps masculins a été rarement spontanément évoquée. Elle semble peu réprimée, si ce n’est à propos des photos de sexe en gros plan.
Toutefois, une règle semble s’imposer à l’ensemble des jeunes interrogés : la limite à ne pas dépasser est (davantage pour les filles que pour les garçons) la publication publique de photo en sous-vêtements (pour les deux sexes) et en bikini pour les filles.
« Moi y a des choses que je ne ferai jamais sur les réseaux sociaux, c’est poster une photo de moi en bikini par exemple. »
Cette norme vole en éclats quand il s’agit d’échanges privés entre partenaires ou à l’intérieur d’une sphère d’ami·es du même sexe, en qui on place sa confiance. Cette différence fondamentale entre vie privée et vie publique semble bien maîtrisée par les jeunes interrogé·es au cours de l’enquête.
Enfin, plus on grimpe en âge, moins l’intrusion de la part d’hommes inconnus plus âgés ne semble être redoutée. De la même manière, cette inquiétude semble moins intense chez les jeunes interrogé·es qu’elle peut l’être chez certains. Très en dehors des normes en usage dans les pratiques d’échanges sexuels, ces éventuels partenaires, assimilés aux « mythos » (menteurs ou trompeurs) font clairement partie de ceux qu’on ne rencontrera pas.
« Il y a un monsieur que je connaissais pas qui m’envoyait des stickers, il avait marqué « papa » mais je connais le numéro de mon papa et je savais que c’était pas lui. J’en ai parlé à mes parents, je l’ai bloqué »
L’avancée en âge, et surtout la multiplication des discussions entre pairs sur ces sujets, participent à l’enrichissement de l’appréhension du risque. Ces échanges permettent de construire et évaluer les prescrits collectifs, davantage encore dans un cercle restreint de figures amicales centrales. Mais ces codes de conduite peuvent être transgressés dans le cadre affectif privé pour « faire plaisir au partenaire », ou « renforcer l’intimité du couple ». Le risque de la trahison par le partenaire est pourtant bien connu, même si aucun·e jeune n’avoue en avoir été la victime.
« Faut faire attention à ce qu’on poste, surtout quand on est une fille, et puis c’est quand même privé, son corps, et puis y des mecs qui peuvent piquer ces photos-là. Maintenant, entre filles et mecs qui sortent ensemble je sais que ça peut arriver. Je sais ce que je peux faire, selon mon avis, quoi ».
Ces éléments, rapportés tant par les filles que les garçons, montrent la puissance du groupe sur les pratiques individuelles. En filigrane, ils et elles mettent en relief les rapports de pouvoir et de domination genrée.
« Une fille ça doit être parfait. Moi j’avais fêté mon anniversaire et puis j’étais pompette, une vidéo a circulé et tout de suite j’ai reçu des sales commentaires sur ma tenue et mon physique. »
Enfin, les échanges produits dans le cadre de cette enquête tendent à valider l’hypothèse d’une norme hétérosexuelle en vigueur dans les espaces numériques : dans les exemples qu’ils et elles verbalisent, aucun·e jeune n’a évoqué l’homo ou la bisexualité.
Le contenu de cet article est extrait de l’analyse « Stress, harcèlement, sexting : quelle vision les jeunes ont-ils de ce qui inquiète leurs parents ? -Interprétation critique de l’enquête #Génération2020 (4/5) » et des résultats de l’enquête #Génération2020, première enquête d’envergure sur les pratiques numériques des enfants et adolescent∙es menée en Fédération Wallonie- Bruxelles. Entre 2019 et 2020, plus de 2000 élèves de l’enseignement primaire et secondaire ont répondu à un questionnaire abordant différents aspects de leur vie connectée. Ces données statistiques ont été complétées par des entretiens individuels et des débats en groupe. Découvrez l’ensemble des résultats sur http://www.generation2020.be/. #Génération2020 fut menée par l’asbl Média Animation en partenariat avec le Conseil supérieur de l’éducation aux Médias de la Fédération Wallonie-Bruxelles (CSEM). L’enquête #Génération2020 est le fruit d’une collaboration fédérale dans le cadre du projet « Belgian Better Internet Consortium » (B-Bico), co-financé par le programme Connecting Europe Facility de l’Union Européenne. Elle fut élaborée à partir de l’initiative flamande Apestaartjaren grâce à un partenariat avec Mediaraven, Mediawijs et le département MICT de UGENT / IMEC.
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[#Génération2020] Comment les ados exploitent-ils Internet pour explorer leur vie sexuelle, affective et amoureuse ?
Les applications et réseaux sociaux permettent logiquement le dialogue avec un ou une partenaire. Selon les résultats de l’enquête #Génération2020, au cours des deux mois précédant l’enquête, seuls 15 % des jeunes interrogés expriment avoir pris une photo coquine d’eux-mêmes avec l’intention de l’exploiter dans un sexto. Cela ne signifie pas que les jeunes l’ont effectivement envoyée. De toutes les photos à connotation érotique ou sexuelle, 24 % ne sont pas envoyées. 76 % de celles-ci sont finalement envoyées à quelqu’un d’autre. Mais on observe surtout une pudeur des jeunes à s’exprimer sur ce sujet, comme en témoigne le faible taux de participation à la question relative à cette pratique.
Les interfaces numériques pour explorer, voire construire, sa sexualité
Les interfaces numériques représentent, pour ceux ou celles que la réalité corporelle inhibe, une alternative pour tenter progressivement l’aventure des rencontres amoureuses, mais aussi parfois, pour explorer, voire construire, sa sexualité, ce qui ne doit pas manquer d’interpeller aussi bien les normes et les pratiques des adultes, que le point de vue qu’ils∙elles portent sur l’adolescence. Pour la plupart des adolescent∙es, la question de photos coquines reste préoccupante, mais périphérique, eu égard aux potentiels enrichissements affectifs que les interfaces leur procurent par ailleurs. Plus de la moitié des photos coquines prises par les jeunes du secondaire les représentent en sous-vêtements ou maillots de bain (51 %). Il y a ici une différence significative entre les garçons et les filles. Les garçons expriment être plus susceptibles de poser complètement nus que les filles. Une autre différence notable est à noter dans le fait que 57 % des garçons assument être identifiables sur ces photos, pour seulement 21 % des filles. 18 % des jeunes interrogé∙es confirment avoir déjà fait pression sur l’autre pour obtenir une photo coquine.
Analyse
À la découverte de soi
Dans cette enquête, une section spécifique a été consacrée aux pratiques de sexting1. Dans les interfaces interactives, on se confronte aux autres, avec bonheur ou fracas, on y teste sa vie de futur adulte, on y élabore son identité, notamment à coups de selfies, en nombre et fréquence autorégulés. On y mène aussi ses premières découvertes sexuelles. C’est en effet, pour ceux que la réalité corporelle inhibe, une alternative pour tenter progressivement l’aventure des rencontres amoureuses. L’adolescence est une période de tests multiples sur ce terrain-là, aussi.
En matière d’exposition et de diffusion de soi, que les jeunes considèrent souvent comme un aspect périphérique, les jeunes enquêtés définissent ce qui s’inscrit dans une norme acceptable ou relève des écarts proscrits. Peu d’adolescent·es déclarent produire et publier des photos coquines personnelles. Pour celles et ceux qui s’y adonnent, poser nu est envisageable, avec une différence notable entre filles et garçons. De la même manière, plus de garçons que de filles acceptent y être reconnaissables. Ces éléments devraient conduire à explorer davantage la question des normes sociales genrées sur ces questions.
Si certain·es jeunes admettent le principe d’échanges visuels coquins, ils et elles le soumettent à diverses conditions. Un certain nombre d’éléments contextuels ou motivationnels doivent être rencontrés. Ainsi, la mise en scène sexy ou coquine de soi doit se faire dans un cadre privé et non public ou semi-public. Dans un certain nombre de cas, qu’il faudrait évaluer plus finement, c’est à la demande (avec plus ou moins d’insistance) du ou de la partenaire, et non de manière délibérée ou sans discussion préalable, que ce type de document est échangé. Pour les jeunes, cette pratique fait partie des jeux sexuels moralement acceptables, même si peu déclarent s’y livrer.
« Ça dépend un peu de l’expérience de chacun… Depuis qu’il y a les réseaux tout le monde le fait, c’est devenu une habitude … moi j’ai déjà reçu … si la personne elle me plaît, voilà je suis content. Mais si c’est une personne que je ne connais pas, je serais choqué. Après si c’est une personne que t’aimes beaucoup, pourquoi pas. Mais envoyer des choses, moi, de moi, j’ai jamais fait … mais pour moi c’est pas un problème. Y’a pas que les jeunes qui le font ! Y’a des parents aussi qui le font ! Je dirais que c’est un truc naturel, des envies de l’homme et de la femme. »
Le badinage avec des inconnu·es est proscrit. On n’envoie pas n’importe quoi à n’importe qui, et certainement pas à des relations lointaines ou indignes de confiance. En matière d’échanges coquins visuels, on retrouve la construction sociale des normes de masculinité et de féminité : au cours des entretiens, ce sont plus souvent des garçons qui sont réputés produire des images et les solliciter. Quand une jeune fille fait l’expérience de recevoir une dick pic 2 non souhaitée, elle le vit davantage comme une blague très lourde, voire choquante, que comme une véritable agression. Cela entraîne, néanmoins, comme sanction immédiate et inconditionnelle, le « blocage » de l’agresseur, même si jusque-là, les sentiments étaient positifs envers le photographe de l’extrême. Si, pour les garçons, cette pratique est de nature « à choquer les filles », les filles trouvent cela « dégueu », déclarant de manière unanime que ça ne se fait pas, même si certaines les partagent entre elles « pour en rire ».
« Moi j’ai jamais reçu de photos obscènes de mecs, peut-être parce que je suis en couple et que je stoppe direct. Mais y a plein de copines qui en reçoivent, et même souvent. Nous, on trouve ça choquant, mais on en discute. Je crois bien que les mecs pensent que ça nous intéresse (rires) mais c’est pas la bonne manière de nous draguer, ou alors ils ont besoin de ça pour se rassurer, mais entre filles, on discute de ça et on bloque direct ».
La délimitation entre ce qui est autorisé ou non reste néanmoins floue. Désigner ce qui est sexy, coquin, sexuel, ou vulgaire est une entreprise hasardeuse, une norme qui s’évalue au cas par cas. C’est le groupe qui semble déterminer ce qui est acceptable ou pas. Dès lors, la prise de risque est difficilement mesurable, en l’absence de critères formels permettant de l’apprécier. À ce titre, l’espace de négociation identitaire sur le corps des femmes reste étroit.
« Moi je trouve qu’il y a beaucoup de filles qui se dénudent, qui mettent de grands décolletés pour qu’on les remarque, et plus t’es dénudée plus t’as de j’aime, c’est trop bizarre. Pour moi une fille dénudée va avoir plein de like des garçons, et si elle est normale, des likes de filles. Un garçon torse nu ça choque pas, mais une fille en bikini, déjà, oui. Pour moi, niveau garçon y a pas de limite. Mais ça, ça a toujours été. Plus une fille est dénudée, plus c’est une pute. Un garçon, il peut faire ce qu’il veut. C’est pareil sur les réseaux sociaux ».
Au cours des entretiens avec les jeunes, l’exhibition des corps masculins a été rarement spontanément évoquée. Elle semble peu réprimée, si ce n’est à propos des photos de sexe en gros plan.
Toutefois, une règle semble s’imposer à l’ensemble des jeunes interrogés : la limite à ne pas dépasser est (davantage pour les filles que pour les garçons) la publication publique de photo en sous-vêtements (pour les deux sexes) et en bikini pour les filles.
« Moi y a des choses que je ne ferai jamais sur les réseaux sociaux, c’est poster une photo de moi en bikini par exemple. »
Cette norme vole en éclats quand il s’agit d’échanges privés entre partenaires ou à l’intérieur d’une sphère d’ami·es du même sexe, en qui on place sa confiance. Cette différence fondamentale entre vie privée et vie publique semble bien maîtrisée par les jeunes interrogé·es au cours de l’enquête.
Enfin, plus on grimpe en âge, moins l’intrusion de la part d’hommes inconnus plus âgés ne semble être redoutée. De la même manière, cette inquiétude semble moins intense chez les jeunes interrogé·es qu’elle peut l’être chez certains. Très en dehors des normes en usage dans les pratiques d’échanges sexuels, ces éventuels partenaires, assimilés aux « mythos » (menteurs ou trompeurs) font clairement partie de ceux qu’on ne rencontrera pas.
« Il y a un monsieur que je connaissais pas qui m’envoyait des stickers, il avait marqué « papa » mais je connais le numéro de mon papa et je savais que c’était pas lui. J’en ai parlé à mes parents, je l’ai bloqué »
L’avancée en âge, et surtout la multiplication des discussions entre pairs sur ces sujets, participent à l’enrichissement de l’appréhension du risque. Ces échanges permettent de construire et évaluer les prescrits collectifs, davantage encore dans un cercle restreint de figures amicales centrales. Mais ces codes de conduite peuvent être transgressés dans le cadre affectif privé pour « faire plaisir au partenaire », ou « renforcer l’intimité du couple ». Le risque de la trahison par le partenaire est pourtant bien connu, même si aucun·e jeune n’avoue en avoir été la victime.
« Faut faire attention à ce qu’on poste, surtout quand on est une fille, et puis c’est quand même privé, son corps, et puis y des mecs qui peuvent piquer ces photos-là. Maintenant, entre filles et mecs qui sortent ensemble je sais que ça peut arriver. Je sais ce que je peux faire, selon mon avis, quoi ».
Ces éléments, rapportés tant par les filles que les garçons, montrent la puissance du groupe sur les pratiques individuelles. En filigrane, ils et elles mettent en relief les rapports de pouvoir et de domination genrée.
« Une fille ça doit être parfait. Moi j’avais fêté mon anniversaire et puis j’étais pompette, une vidéo a circulé et tout de suite j’ai reçu des sales commentaires sur ma tenue et mon physique. »
Enfin, les échanges produits dans le cadre de cette enquête tendent à valider l’hypothèse d’une norme hétérosexuelle en vigueur dans les espaces numériques : dans les exemples qu’ils et elles verbalisent, aucun·e jeune n’a évoqué l’homo ou la bisexualité.
Le contenu de cet article est extrait de l’analyse « Stress, harcèlement, sexting : quelle vision les jeunes ont-ils de ce qui inquiète leurs parents ? - Interprétation critique de l’enquête #Génération2020 (4/5) » et des résultats de l’enquête #Génération2020, première enquête d’envergure sur les pratiques numériques des enfants et adolescent∙es menée en Fédération Wallonie- Bruxelles. Entre 2019 et 2020, plus de 2000 élèves de l’enseignement primaire et secondaire ont répondu à un questionnaire abordant différents aspects de leur vie connectée. Ces données statistiques ont été complétées par des entretiens individuels et des débats en groupe. Découvrez l’ensemble des résultats sur http://www.generation2020.be/. #Génération2020 fut menée par l’asbl Média Animation en partenariat avec le Conseil supérieur de l’éducation aux Médias de la Fédération Wallonie-Bruxelles (CSEM). L’enquête #Génération2020 est le fruit d’une collaboration fédérale dans le cadre du projet « Belgian Better Internet Consortium » (B-Bico), co-financé par le programme Connecting Europe Facility de l’Union Européenne. Elle fut élaborée à partir de l’initiative flamande Apestaartjaren grâce à un partenariat avec Mediaraven, Mediawijs et le département MICT de UGENT / IMEC.
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